Douaisien




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copyright "Wolfgang Fuchs", Hamburg (Allemagne)



  • Nationalité: Française
  • Type: Cargo
  • Position: 51°04.636' N / 2°27.221' E
  • Profondeur max: 28m
  • Taille: 102.5m x 14.6m
  • Coulé le: 29 mai 1940


  • Histoire - Circonstances:
  • Le 20 mai 1940, le cargo français Douaisien est dans le port de Dunkerque, retenu pour un chargement.
    Le 21 mai le Douaisien est amarré à quai pour évacuer tout ce qui peut être sauvé de Dunkerque. Les Allemands bombardent la ville toute la journée. Quatre bombes tombent sur le quai à 200m du bateau qui charge des balles de laine depuis 2 jours et blessent 1 personne, faisant des trous dans la coque.
    Le 22 mai, le bateau demande une équipe de soldats pour approcher les balles de laine car les dockers se font de plus en plus rare.
    Le 23 mai, le travail doit être arrêté à plusieurs reprises pendant les alertes.
    Le 24 mai, les soldats qui aident les marins du Douaisien à charger ne travaillent plus que très lentement car ils se plaignent de n'avoir rien eu à manger.
    Le 25 mai, les avions sont de retour et larguent des bombes incendiaires à bord. Les foyers sont éteints entre 2 passages d'avions.
    Le 26 mai, la ville est mise à plat par des bombardements continuels, le cargo ne peut pas être chargé.
    Le 27 mai le Douaisien récupère l'équipage de "l'Aden" qui est en flamme.
    Le 28 mai à 12h30 le cdt du Douaisien est convoqué à l'Amirauté et recoit l'ordre d'appareiller pour Cherbourg à 22h30 avec 1200 hommes de troupes, quelques réfugiés et des équipages de navires coulés. A 22h30 le Douaisien appareille, chargé de soldats, de civils, de marins (dont ceux de "l'Aden" et du "Saint Camille") et aussi de ses balles de laine (1500T) plus 300T de fer. A 23h, il franchit les jetées. Il est accompagné du P21 "Cérons" et du P22 "Sauternes" ainsi que du dragueur auxiliaire AD 43 "Gâtinais".
    Le 29 mai à 00h10, arrivé à hauteur de la bouée 8 de la passe Est (entrée de Zuydcoote), une très forte explosion ébranle le navire qui commence à couler. A 3 heures, le commandant envoie des signaux de détresse. Presque tous les passagers seront recueillis par les bateaux à proximité (le "Commandant Delage", "l'Angèle-Marie" et le "Chasse Marée"), les derniers à 9h00 du matin.
    Les historiens allemands attribuent cette victoire au sous-marin "U 62", alors dans les parages à cette époque. Toutefois, cette version est très contreversée du fait de la position géographique du cargo lors de l'explosion. En effet, la faible profondeur du site interdit à coup sûr toute intervention d'un quelconque submersible. L'explosion d'une mine semble plus probable.
    Par une chance extraordinaire le Douaisien ne compte que peu de victimes : 3 soldats tués plus une cinquantaine de blessés. L'ex capitaine de "l'Aden" signalera plus tard la calme et le sang froid de l'état major du Douaisien qui a contribué à inspirer confiance aux personnes embarquées et à faciliter l'évacuation du bord dans un ordre parfait.
    L'équipage rejoint les hommes des autres navires coulés ("Côte d'Azur", "Aden", "Saint Camille", "Cap Tafelneh", "Portrieux"). Une rumeur circule pour une évacuation probable sur le "Mars" mais celui ci est coulé une demi journée après son entrée au port. L'Amirauté donne alors l'ordre aux marins des navires coulés de se débrouiller. Ceux ci décident alors d'utiliser des petits chalutiers en bois immobiles au fond du port de pèche. Après divers réparations, notamment au niveau des moteurs, 4 chalutiers sont enfin prêts en fin de journée du 30 mai. Mais l'Amirauté à d'autres projets pour ces 4 bateaux, il fera néanmoins évacuer les équipages le soir même à 22h par l'intermédiaire du "Monique Camille".



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    Photo: Yvon Perchoc.



  • Historique:
  • Construit par Nordseewerke Emden GmbH à Emden (D).
    Mis sur cale pour le compte de" Hugo Stinnes GmbH" à Königsberg.
    Numéro de coque: 80.
    Mis en service en février 1921 sous le nom de "Danzig".
    Armé par "Artus Danziger Reederei & Handels-Aktiengesellschaft" à Danzig.
    Vendu à Sun Shipping Co (Mitchell, Cotts & Co Ltd) à Londres en 1921.
    Renommé "Sunhaven".
    Vendu à la Société Générale de Transport Maritime à Vapeur à Marseille en 1925.
    Renommé "Mont Aigoual".
    Port d'attache: Marseille. Identification: O V Y A.
    Vendu à la Société Anonyme de Gérance et d'Armement à Dunkerque en 1934.
    Renommé "Miliana".
    Port d'attache: Rouen. Indicatif radio: F N B P.
    Vendu à la Compagnie des Bateaux à Vapeur du Nord à Paris en 1936.
    Renommé "Douaisien".
    Port d'attache: Dunkerque.

    Fin du navire: coulé le 29 mai 1940.

  • Description sommaire:
  • Déplacement: 2 954 tjb - 1 748 tjn, port en lourd: 5 500 tonnes.
    Longueur: 103.20m, largeur: 14.71m, tirant d'eau: 6.73 m.
    Propulsion: une machine à triple expansion construite par Gebr. Sachsenberg A G à Rosslau (D).
    Puissance: 320 NHP, vitesse: 10 noeuds.


  • Description Actuelle:
  • Une des plus "grosses" épaves de la région. A la poupe, une énorme hélice derrière un gourvernail tout aussi grand. En se dirigeant vers l'avant, des superstructures et cabines, puis des cales. Ensuite, au milieu tribord, une cassure puis le plancher qui se dérobe, ce qui laisse un espace conséquent que l'on peut explorer sans grand danger.


    L'odyssée d'un convoi de Dunkerque:
    Sept navires partirent, ils arrivèrent deux.
    extrait de journal du 28 mai 1942 transmis par Colette Arnaud.


    "Capitaine, le Douaisien fait en avant."
    -------Le capitaine Nils Pétersen le sait déjà. Au très léger tangage qui a secoué son bateau, il a compris que son matelot d'avant faisait tourner son hélice et s'éloignait du quai. Car il ne voit rien le capitaine Pétersen, rien de rien. Le port tout entier est plongé dans la nuit... Et c'est une chance, une rude chance. Le seul feu qui pourrait l'illuminer, ce 28 mai 1940, à 23 heures, serait un dock ou un navire flambant sous les projectiles des bombardements allemands et désignant comme cibles les derniers bâtiments qui vont tenter de prendre la mer.
    -------Cette obscurité momentanée, c'est peut être la circonstance providentielle qui permettra de sortir sain et sauf de Dunkerque condamné...
    -------Au bossoir d'avant, son poste d'appareillage, le second Olav Hindhall regarde l'arrière du Douaisien, masse noire qui s'enfonce dans les ténèbres, suivie par les remous blême de l'hélice. Sur la passerelle, le capitaine Pétersen compte les secondes. Dix...,vingt..., trente..., il faut laisser au Douaisien le temps de prendre un peu d'erre, et, cependant, lâcher le quai assez à temps pour être dans son sillage quand il se présentera à l'entrée du chenal. Manoeuvre difficile, manoeuvre périlleuse...C'est bien la première fois que Pétersen appareille ainsi, sur les talons, d'un bâtiment qui n'a même pas un feu de ratière pour signaler sa poupe et qu'on peut emboutir sans avoir eu le temps de dire "ouf". Pourtant, il conserve tout son calme, il ne songe même pas à s'étonner d'être là, dans un bassin de Dunkerque, à la fin de la plus dramatique bataille du siècle, lui, qui capitaine au long cours norvégien, natif d'Oslo. Son cargo, le Hird est affrété par le gouvernement français. Il a des Français à bord: il essaiera de les sortir.
    -------Trente secondes...quarante...cinquante... Tout en comptant, Pétersen se penche par dessus la rambarde de passerelle. Le courant n'a pas changé depuis tout à l'heure et, si faible qu'il paraisse, il suffira à décoller du quai la lourde masse du Hird. Pétersen regarde du côté de la terre, un demi-cercle d'incendies ceinture l'horizon. Une traînée de bombe éclate vers Malo-les-Bains avec une succession précipitée, presque haletante, de détonations. Mais, du côté de la rade, tout est calme, noir et silencieux. Les épaves qui brûlaient il y a un moment ont dû disparaître dans les flots.
    "Larguez devant. Choquez derrière, doucement."
    -------Libre devant, retenu par l'arrière, le Hird s'avance, s'écarte sous la poussée du courant.
    -------Tout près, une batterie antiaérienne se met à tousser. Des bruits de moteurs emplissent le ciel. Pétersen n'a pas le temps d'y songer. La discipline du métier l'emporte sur l'émotion de la bataille dont il n'est, au fond, qu'un spectateur. Ses yeux regardent de toute leur acuité en avant de son étrave. Il voudrait voir la poupe du Douaisien. Il ne la voit point. Le second au bossoir, l'a également perdue de vue.
    "Larguez partout. En avant doucement."
    -------Le timbre du télégraphe transmetteur d'ordres aux machines tinte, bruit cristallin au milieu des bruits sourds de la bataille. Sous la lueur de coupe-gorge d'une veilleuse, le timonier tient la barre, froid comme son chef.
    -------Le Hird prend un peu de vitesse. Le chenal est devant lui. Le chenal, et aussi trois dangers: le Douaisien qu'on ne voit pas, les épaves qui encombrent la passe, les obus. Sur la sortie du port de Dunkerque, dernier goulet d'évasion ouvert à une armée entière, l'artillerie allemande règle son tir. Pétersen songe surtout au Douaisien, à l'abordage, hantise des marins. Passeront-ils?
    -------Sous les pilotis de la jetée est, la mer clapote insouciante. Qu'elle est interminable cette jetée! Pétersen a l'impression qu'il marche depuis une demi-heure. Sur le môle, un éclatement allume une grande lueur. Le Hird a passé. Voici, à babord, la colonne du grand phare éteint naturellement. Et voici le Douaisien qui émet furtivement un signal de reconnaissance. "Je suis là, tout va bien" Les deux bâtiments sont en rade, le danger est-il passé?.
    Il commence.
    Des combattants de toutes armes....
    -------Sur le pont, dans les coursives, un soupir de soulagement soulève les poitrines. La plainte du vent, le bruit d'eau remuée, l'odeur d'embrun font connaître à des centaines d'hommes que l'enfer de Dunkerque est derrière eux.
    -------Confusément, le capitaine Pétersen entrevoit cette masse humaine au dessous de sa passerelle. Masse verticale car personne n'a de place pour s'asseoir. Il y a là des combattants de toutes armes, des hommes de toute trempe.
    -------Pétersen a tout embarqué. Ce ne sont pas des frères de nationalité, ce sont des alliés; il ne comprend pas leur langue. Mais, à ses yeux de marin, ce sont des passagers dont il se sent comptable, qu'il doit conduire à travers les embûches de la guerre et de la mer. Eux, les soldats, sont surpris, épatés même. Sortant de la bataille, harassés, déguenillés, épuisés, ils ont trouvé des marins sans nerfs, qui les ont recus comme s'ils étaient des touristes à promener dans un fjord. Ils ont vu les préparatifs de l'appareillage s'effectuer sans fièvre à côté des éclatements. Maintenant, ils sentent sous leurs pieds la pulsation lente de la machine: ils entendent le cliquetis du télégraphe, les commandements lancés d'une voix tranquille. Des bruits paisibles que le rythme de l'affreuse bataille ne précipite pas. Il n'en faut pas d'avantage pour que les plus impressionnables se sentent rassurés. Ils allumeraient une cigarette s'ils osaient.
    -------Sur rade, des signaux rapides s'échangent. Des ombres passent et repassent. Le Hird et le Douaisien ne seront pas seuls. Un convoi se forme dont Pétersen connait la composition. Avec les deux cargos, il y aura un T.M?, un transport de munitions de la marine française. Puis les chiens de garde: un escorteur français, le T.143, un chalutier français aussi, deux destroyers britanniques enfin.
    "Timonier, notez ce que je vais vous dire"
    -------Le capitaine norvégien ne veut pas quitter sa passerelle pour aller dans la chambre des cartes écrire son journal de bord. Toutefois, avec la minutie réglementaire des marins, il tient à en préparer les éléments, à noter les heures. Il dicte, sans cesser de fouiller l'espace de ses yeux clairs.
    -------"23h20, arrivée sur rade. Reconnu le T.M. indiqué par l'Amirauté Française. Il prend la tête du convoi, suivi du Douaisien, puis du Hird. Reconnu aussi les bâtiments d'escorte, quatre en tout.
    -------Ordre et silence. Les trois transports ont formé la ligne de file. Hauts sur l'eau, presque allégés - des hommes, ça ne pèse pas - ils paraissent des géants à côté des bâtiments de guerre qui les protègent. Eux, navires de vitesse ne tiennent pas en place. Ils foncent en avant, reviennent, décrivent des cercles autour du convoi. A bâbord, à tribord, on voit glisser leurs ombres autour du Hird.
    -------Par bâbord arrière, Dunkerque brûle au milieu des explosions. Le gigantesque incendie rend la mer plus noire. La lune en est à son dernier quartier. La fumée obscurcit les étoiles au dessus de la terre.
    "Timonier, écrivez...0h03, le Douaisien a sauté. Continué la route, serré sur le T.M." T.U.H.M. nous sombrons".
    -------Le cargo battant pavillon français a heurté une mine magnétique mouillée par avion après le passage des dragueurs. Sa T.S.F. haletante lance un indicatif, annonce son agonie: "T U H M, nous sombrons". Dure loi des convois. On n'a pas le droit de s'exposer pour repêcher les hommes. Les passagers du Hird devinent le drame plutôt qu'ils ne le voient. Des centaines d'hommes, soldats comme eux, des frères d'armes, se débattent dans l'eau tourmentée par les courant des bancs de Flandres.
    -------Une heure cinq. La vigie du T.M. aperçoit le sillage d'une torpille. Trop tard.
    "Timonier écrivez et notez l'heure. Le T.M. torpillé s'ouvre en deux et coule. Continué la route".
    -------Du convoi primitif, le Hird reste seul. Seul mais bien gardé. Toute l'escorte est pour lui: Ah! pourtant le chalutier a disparu. Il est distancé... ou au fond.
    "Une heure douze... Timonier, écrivez. Un destroyer anglais est torpillé, il coule."
    -------Le Hird a pris du champ. Dunkerque n'est plus au loin qu'un halo sanglant. La côte glisse à bâbord, côté de guerre, sans un phare, sans une bouée lumineuse.
    -------Deux heures trente. Le canon dissipe brutalement la somnolence des soldats, avachis de fatigue sur les ponts. Un obus éclate à toucher le Hird. S'il faisait tout à fait jour on verrait des gerbes d'écume bondir sur la mer, à quarante noeuds. Ce sont des vedettes rapides, petits lévriers marins, que les Allemands appellent Schnellboote, que les Italiens désignent par les initiales M.A.S., qui sont aussi celles d'une devise latine à laquelle a pensé le poète d'Annunzio: "Souviens-toi qu'il faut oser toujours!..."
    Les frelons de la mer...

    -------Les vedettes attaquent au canon. Elles visent le Hird, plus massif, plus haut sur l'eau que les deux escorteurs. Ces derniers accourent. Ils répondent coup pour coup. Ils se précipitent au devant des frelons de la mer, en se guidant sur la lueur des "départs". Tant pis pour eux. Sur la passerelle du Hird, la voix monotone du capitaine Pétersen s'élève encore:
    "Le second destroyer britannique torpillé coule."
    -------Maintenant, il fait grand jour. La mer est belle. Quelques nuages blancs parsèment le ciel. Le Hird n'a pas une égratignure. Devant lui, le T.143 court sur la mer en soulevant une moustache blanche de chaque côté de son avant court.
    -------Entre les collines, une ville apparaît: Cherbourg.
    -------Cette nuit, l'a-t-on rêvée? Ces naufrages vaguement devinés dans l'obscurité, était-ce le fruit des imaginations?
    Ils étaient partis sept. Ils arrivent deux. Mais il fait beau. L'espérance efface le deuil. La joie des hommes fait tembler les poitrines. Les soldats de Dunkerque sont prêts pour de nouveaux combats.




    UN GRAND ARMEMENT DUNKERQUOIS
    Vient d'avoir cent ans: C.B.V.N de 1853 à 1953
    Paris 1954, Paul Bertrand de La Grassière

    -------A Dunkerque, le 18 mai un seul navire de la C.B.V.N, se trouve au bassin Freyssinet : c'est le Douaisien.

    -------Dès le 20, bien des gens même en dehors de la C.B.V.N pensent au Douaisien. Mais des mines magnétiques ont été mouillées par l'aviation ennemie dans les passes extérieures. L'installation de démagnétisation de la grande écluse a été démolie et les cargos n'ont pas de ceintures anti-magnétique. Les autorités militaires refusent donc l'embarquement des civils sur ces navires. Pour le moment, on ne s'occupe d'ailleurs que du chargement des marchandises. On travaille avec une hâte fébrile.
    -------Le 21 mai quatre bombes tombent sur le quai à 20 mètres du navire. Trous dans la coque : un blessé.
    -------Le 22 mai, le Capitaine Charles Desse, commandant le Douaisien, réclame une équipe de soldats pour rapprocher les balles de laine à embarquer "plus de dockers : reste t'il des civils à Dunkerque ?". Dans le port bombardé, les "réquisitionnés" s'organisent, c'est le terme employé. Les hommes qui ne sont pas de quart peuvent aller s'abriter dans les hangars du quai, s'y nourrir. (Georges Blond)
    -------Le 23, l'alerte dure de midi à minuit. Les commandants des cargos reçoivent l'ordre de coopérer, le cas échéant avec leur armement à la défense de la ville. Les services administratifs, militaires fléchissent, les soldats qui aident les marins du Douaisien à charger les balles de laine ne travaillent plus que très lentement, ils se plaignent de n'avoir plus à manger.
    -------Le lendemain 25, on ne les voit plus. Par contre au dessus du port 130 bombardiers allemands apparaissent ensemble. Sous ce grondement, le travail continue. L'Aden, le Douaisien continuent à charger. Des bombes incendiaires tombent à bord. Entre deux passages d'avions : "éteint les foyers d'incendie note le commandant du Douaisien". Une bombe explosive atteint le "Versailles" causant une voie d'eau, mettant le feu à des caisses de munitions. Sur le quai des wagons brûlent. Dans la nuit , tout le centre de la ville est en feu.
    -------Le 28 mai, à 22heures 30 le Douaisien déhâle. Il y a à bord des hommes de troupe, l'équipage de l'Aden incendié le 27 mai, les rescapés du Saint Camille coulé par une mine magnétique en évoluant pour rentrer au port et aussi le capitaine du remorqueur "Puissant" lui aussi détruit soit 1200 personnes environ, 1500 balles de laine, 300 tonnes de fers qui ont pu être embarqués. Le tout à évacuer sur Cherbourg. La nuit est très noire...Une chance par conséquent d'échapper à la vigilance des aviateurs ennemis.
    -------Le 29 mai à 0 heure 10, le Douaisien est à 75 mètres au sud de la bouée 8. A moins d'un mile de distance, le chalutier Norvégien Hird, chargé de britanniques, le suit. Cinq chalutiers les accompagnent.
    - En avant lentement!
    -------Soudain une formidable explosion. Le personnel de quart sur la passerelle est projeté au sol. La barre, le compas, le Chadburn, les échelles de descente de la passerelle sont arrachés; l'ancre de tribord se mouille toute seule et se capelle sur le bâti du guindeau; la soupape de sûreté de la chaudière bâbord est sectionnée à ras; le circuit électrique est détruit, l'antenne TSF est cassée. C'est certainement une mine qui a explosé. Le navire abat sur tribord, draguant son ancre et s'immobilise à 250 mètres environ au sud de la bouée.
    -------Les embarcations et le youyou sont mis à l'eau. Ils ne peuvent évidemment recueillir 1200 passagers. Le comandant Desse fait appel aux navires de passage. Le Hird et les escorteurs, poursuivent leur route. Ils n'ont pas le droit de s'arrêter. Le Douaisien gîte progressivement sur bâbord; les cales 1 et 2, la machine et la cale 3 s'emplissent d'eau. Le commandant fait passer tout le monde à tribord. Le capitaine Polles ancien commandant de l'Aden s'est mis à sa disposition pour le sauvetage renforçant ainsi l'état major du navire.
    -------A l'aube apparaît un destroyer anglais qui stoppe. Des deux bords on parlemente puis le péril ne semblant pas imminent il continue vers La Panne pour y prendre conformément à ses ordres un contingent de soldats anglais. Au petit jour l'aviso français Commandant Delage accoste à bâbord, embarque quelques hommes mais la marée se levant, il doit s'écarter et mouiller à proximité. Après quelques voyages, le youyou et une de ses embarcations sont endommagés, l'autre gênée par le courant ne peut rejoindre les bateaux de pêche pour effectuer le transbordement. A son tour, une pinasse de "Police Navigation" arrive; on lui confie des blessés qu'elle transporte sur le Mars rentrant au port.
    -------Vers 10 heures deux chalutiers de la défense du littoral recueillent les 200 derniers rescapés. A 10 heures 15 le capitaine Desse resté le dernier à son bord quitte le navire, qui s'enfonçant rapidement menace de chavirer. Les pertes humaines sont moins graves qu'on ne pouvait le craindre. Trois hommes de troupe tués et une cinquantaine de blessés au moment de l'explosion.
    -------Elles auraient pu s'aggraver: le Mars vient de couler atteint de plein fouet. Heureusement il a déjà débarqué les 300 hommes qu'il avait recueilli. Et voilà, s'ajoutant aux hommes évacués, l'équipage du Douaisien.
    Laissons la parole à Georges Blond "Quand le commandant du Douaisien se présente à l'Amirauté (Bastion 32). L'officier qui le reçoit et le félicite termine son compliment par cette phrase: Il faut vous débrouiller pour quitter Dunkerque."
    -------Certes, quitter Dunkerque est un objectif assez séduisant. Depuis le matin parmi les équipages des navires coulés, incendiés ou échoués : Côte d'Argent, Aden, Saint Camille, Cap Tafelneh, Portrieux une rumeur circule : "C'est le Mars qui va nous évacuer".
    -------Le Mars est entré le matin même chargé de munitions. Malheureusement vers midi, on apprend qu'il vient d'être coulé par une bombe. Aux rescapés à évacuer, s'ajoutent donc les rescapés du Mars. Cela commence à ressembler à un gag sinistre. Plus une place sur les "malles" ni sur les navires de guerre, il y a déjà trop de troupes à évacuer. L'officier de l'amirauté le dit avec raison, il faut que les marins se débrouillent.
    -------Le commandant du Douaisien, propose d'utiliser des petits chalutiers en bois, immobilisés au fond du port de pêche.
    Bonne idée, revenez demain, nous en reparlerons.





    Le commandant Charles DESSE
    de l'ancien "DOUAISIEN"
    évoque la perte de son cargo en face de Zuydcoote
    dans la nuit du 28 au 29 mai 40.
    Extrait du "Nouveau Nord" en 1956.


    Le récit du Commandant Desse:

    Notre «interrogatoire» commença sur les origines de l'ancien «Douaisien
    ».

    -------«C'était un ancien bâtiment allemand, nous apprit le commandant, cargo à spardeck, très haut sur l'eau, de 5.600 tonnes environ, vapeur chauffant au mazout. Initialement baptisé Dantzig, il avait été cédé au titre des réparations de guerre, en 1918, à la Société Générale des Transports Maritimes. Il fut rebaptisé Mont-Aigoual, mais c'est beaucoup plus tard qu'il passa à la C.B.V.N. sous le nom de Douaisien. Après avoir navigué sur le Cap Cantin et presque tous les autres bateaux de la «Maison», j'en pris le commandement tout au début de 1939, assisté notamment de M. Ledelst, actuellement pilote à la station de Dunkerque, je devais entreprendre avec lui de nombreux voyages Algérie-Dunkerque.»

    - «Votre escale à Dunkerque avec le Douaisien, avait-elle un but commercial?».

    -------«Oui, puisque nous venions d’Algérie avec une cargaison de fûts de vins. C’était le 10 mai; nous avons dû stopper en rade de Boulogne, car la présence de mines dans le secteur de Calais avait été signalée. Le 13, nous pouvions continuer notre route sur Dunkerque où l’on nous plaça au Freycinet 2. Le 18, le déchargement de nos fûts était terminé, mais les bombardements s’intensifiant, il fallut nous tenir en état d’alerte. L’Amirauté me fit alors appeler pour me donner l’ordre d’aller faire du mazout au Freycinet 6, puis d’embarquer, au même quai, des balles de laine, provenant d’un cargo allemand capturé. Faute de main-d’œuvre, et faute de grues, mon équipage s’attela donc à cette tâche. L’embarquement des laines était fréquemment interrompu par une pluie de bombes. Certaines firent explosion près du bord, perçant la coque comme une écumoire.Le 28, la situation devenait intenable: convoqué pour la seconde fois à l’Amirauté, on m’ordonna d’embarquer des troupes françaises (environ 1200 hommes) et une centaine de marins du commerce dont 45 rescapés de l’Aden qui venait de couler dans le port. Parmi ces derniers se trouvait le commandant Le Pollès (l’actuel capitaine d’armement des «Chargeurs Réunis» à Dunkerque).Le reste de l’équipage n’avait pas été épargné par la mitraille des avions ennemis».

    - « Avez-vous éprouvé des difficultés pour quitter le port ? »

    -------«Pas la moindre, mais l’état du Douaisien ne nous laissait guère l’espoir de sortir indem ne de cet enfer de Dunkerque et d’arriver à destination.»

    - «Quelle destination?»

    -------«Cherbourg. Nous avons donc appareillé le 28 vers 20 h. Si mes souvenirs ne m’abusent pas, c’était M. Waucquier, pilote de la station, qui dirigeait la manœuvre. Le port n’étant plus en eau depuis la destruction des portes, nous franchîmes immédiatement Trystram en évitant à la sortie quelques chalutiers coulés. Autour de nous, c’était la pagaille complète.»

    TOUS LES HOMMES SAUVES, DEUX CHATS A LA MER !
    ----«Sortis du port, poursuivit le commandant Desse, nous prenions place dans un convoi de 7 bateaux marchands dont certains étaient bourrés de munitions. La passe ouest était devenue naturellement inutilisable, en raison de l’avance allemande le long de la côte. Nous devions donc mettre le cap à l’est pour prendre le West-Hinder et faire le tour par les côtes anglaises. Hélas nous ne devions pas aller bien loin… Il devait être minuit, juste avant d’arriver à la passe de Zuydcoote, une sourde explosion souleva l’avant du Douaisien : sur la passerelle, jumelles en mains, j’ai été projeté jusqu’au plafond. Puis les événements se précipitèrent ; le cargo faisait eau de partout ; on mettait les baleinières à la mer ; tandis que le navire s’enfonçait lentement, on mesurait la distance qui nous séparait du rivage : un mille à peine.»

    - « Des hommes ont-ils tenté de gagner la côte à la nage? »

    -------«Personne car, heureusement, les autres cargos du convoi et de nombreux chalutiers belges et français eurent le temps de nous porter secours et de prendre à leur bord les 1200 soldats parmi lesquels l’explosion avait fait une cinquantaine de blessés ainsi que tous les marins. Seuls mes chats, deux magnifiques Siamois ont du se noyer….Conformément aux traditions maritimes, je fus le dernier à quitter le Douaisien pour m’embarquer sur un chalutier qui devait me ramener à Dunkerque».

    - «Le cargo a-t-il chaviré?»

    -------«Non, il n’y avait pas beaucoup de fond à cet endroit. Le bateau prit de la gîte, mais il se redressa en s’échouant sur un fond de vase. Ses mâtures émergent encore aujourd’hui.»

    - «En définitive, comment avez-vous quitté Dunkerque?»

    «Sur un chalutier que commandait M. Henri Wallyn; il me débarqua à Douvres».

    -------Sur ces mots, nous primes congé et l’excellent commandant Desse rejoignit les autres invités dans le magnifique salon du nouveau Douaisien. L’ancien n’étant pas si moderne mais il a laissé un nom glorieux que le bâtiment du commandant Le Pluard est digne de porter.


    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------M. B.





    Naufrage du Douaisien



    Extrait d’un cahier de campagne tenu par M. Raymond OPHOL
    Don de sa nièce Mme BROCHET Annie



    Le Douaisien. - Un ordre relatif règne sur l’embarquement.

    ----Il y a très peu d’anglais. Le bombardement continue sans cesse, mais nous n’y pensons même pas, l’impression est de plus en plus sinistre, du feu partout, la chaleur commence à ne plus être tenable.
    ----Nous sommes tous séparés, néanmoins, je réussis à m’embarquer par une écoutille sur le «Douaisien» avec l’aide d’un camarade de la section «Ciné» Messtack. Les matelots nous accueillent avec sympathie, nous sommes parait-il sur un bateau chanceux, depuis douze jours, il bourlingue toujours bombardé, jamais touché. Nous sommes cantonnés dans la cale où je retrouve beaucoup de mes camarades aussi serrés que dans le métro. Nous devons faire un triste spectacle avec nos figures hirsutes, l’atmosphère puante de cette cale et le manque de lumière ajoute encore à cet aspect sinistre.
    ----A la lueur de ma lampe électrique, je parviens à trouver un coin entre deux balles de laine et je m’allonge tant bien que mal, je finis par m’endormir vaincu par la fatigue. Soudain, je suis réveillé par un bruit formidable. Une torpille ou une mine magnétique vient de toucher le «Douaisien» dans la cale avant (j’étais dans la cale arrière) l’explosion fait vibrer tout le navire. Je me redresse anxieux, non sans avoir failli être foulé aux pieds par les autres pressés d’évacuer la cale, il est en ce moment 0h30.
    Il est difficile d’évoquer les scènes affreuses qui illustrent le torpillage. Nous étions plusieurs centaines dans un espace de 40m sur 15 environ avec une seule échelle verticale de 50cm de large pour évacuer.
    ----Pour gagner cette échelle, c’est une bousculade et une lutte sans nom, des cris, des gens qui se marchent sur les mains, les hurlements des blessés, c’est effroyable. Je retrouve mon camarade Messtack et nous décidons de ne pas nous emballer, nous considérons la situation avec sang-froid. Le bateau se couche de plus en plus, l’eau commence à monter, mais n’atteint pas encore mes pieds, les machines viennent de s’arrêter, cette fois, il me semble bien que nous n’en échapperons pas, je conserve tout mon calme, j’en suis le premier étonné, je suis disposé à me faire sauter la cervelle si vraiment il n’y a pas d’autre issu. Cependant avec forces bousculades, la cale s’évacue assez rapidement avec des jurons et des cris. Je commence à croire que je pourrais quitter la cale sans trop de dommage. Je parviens près de l’échelle et comme tout arrive, nous ne nous trouvons plus qu’une dizaine et nous montons toujours très calme, nous arrivons sur le pont, je respire.
    ----Le bateau se trouve en ce moment dans une position critique, il penche fortement et pique du nez, nous sommes sur l’arrière, côté le plus élevé, cependant la position provisoirement à l’air de demeurer stable. Par les marins, nous apprenons que le capitaine a réussi à faire échouer le bateau sur un banc de sable, ce qui explique notre position, la chance est avec nous malgré tout, la marée nous est favorable, nous poussons un soupir de soulagement relatif. L’explosion a fait de nombreuses victimes, beaucoup sont morts sur le coup on appelle les médecins et les prêtres pour les survivants, triste vision.
    ----Nous ne pouvons allumer les lampes, les avions rodent au dessus de nous. Le froid est vif, le bateau penche de plus en plus, nous attendons les secours impatiemment, moi qui ne sait nager, je ne me fais pas trop d’inquiétude, cependant le froid et les vagues ne m’engagent guère. La nuit s’écoule tout doucement, aux premières lueurs du jour, des bateaux s’approchent de nous. Un torpilleur anglais nous accoste, il prend deux soldats anglais qui se trouvaient par erreur parmi nous, puis il repart tant pis pour les mourants ou les blessés, son départ est salué par une bordée d’injures et de projectiles divers.
    ----Enfin un aviso français, le «Commandant Delage» arrive et commence les opérations de sauvetage. La situation sur le «Douaisien» commence à devenir des plus inquiétantes, le bateau penche de plus en plus par bâbord et pique du nez de plus en plus. Nous nous mettons tous par tribord pour soulager un peu notre pauvre bateau qui ressemble à une bête blessée à mort.
    ----Nous devons, étant donné la position du bateau faire des efforts pour ne pas glisser; nous apercevons de petites embarcations qui se dirigent vers nous, la mer est calme heureusement, les opérations de sauvetage vont être menées avec suffisamment de sécurité, car il n’est pas facile de s’embarquer sur ces petites coquilles de noix, nous descendons d’abord les blessés, nous disposons d’échelles de cordes qui oscillent sans arrêt. Là encore, il se produit des bousculades facilement expliquées par l’état d’esprit dans lequel nous nous trouvons. Tous, nous avons hâte de nous sentir dans une position moins pénible, nous avons pour nous la chance que les avions nous laissent la paix, le soleil brille d’un bel éclat, je pousse un grand «ouf» quand je réussis à prendre place sur une barque, à ce moment il ne reste plus peut-être que cent hommes à bord, c’est donc la certitude que nous serons sauvés.
    ----La barque sur laquelle j’ai embarqué nous conduit à bord d’un chalutier, le «Chance Marie» qui maintenant doit être certainement par quelque fond, ce chalutier ancré servait de débarcadère aux petites barques, qui sans arrêt faisaient la navette entre les deux bateaux.
    ----Je retrouve beaucoup de camarades, nous sommes presque joyeux, nous voila encore tirés d’une bien mauvaise passe, mais quelle nuit tragique nous avons passée là, inoubliable. Le «Chance Marie» ou nous sommes serrés comme des harengs, nous retransporte sur Dunkerque. Nous mettons plusieurs heures pour atteindre le port. Nous nous apercevons que nous n’avons pas été les seules victimes de la nuit, sur toute la mer, ce ne sont que des épaves flottantes ou échouées, de certains bateaux, on n’aperçoit plus que le bout des mâts, d’autres nous ne voyons qu’une partie soit à l’arrière, soit à l’avant, partout de grandes taches d’huile, nous sommes vivants parmi tout cela.
    ----La navigation est très compliquée dans ces conditions, de plus les mines magnétiques ou non sont un danger permanent. Nous marchons au ralenti. Sur la terre, les combats continuent, de notre position ou nous voyons Dunkerque de face, le spectacle est effrayant, partout de la fumée, des flammes, des ruines. Nous arrivons dans l’avant port et sommes accueillis par un premier bombardement de bienvenue, les bombes qui tombent dans l’eau forment de véritables geysers qui vous arrosent à 50 mètres à la ronde. Nous accostons quand même à un quai près du bastion 32, nous prenons pied sur le plancher des vaches, juste pour nous mettre à l’abri dans le bastion.


  • Sources:

  • "Equipe dkepaves":
  • fiche épave n°30 DK Plongée.
  • livre 'Un grand armement Dunkerquois vient d'avoir cent ans: C.B.V.N de 1853 à 1953', 1954, Paul Bertrand de La Grassière.
  • Image du Douaisien alors Miliana, de Bernard Venis extraite de:
    http://alger-roi.fr/Alger/port/navires/pages/22_miliana.htm
  • "Ronny Verpoorte":
    "Ludovic Loorius":
    "René Alloin":
    "Robert Robic":
  • fiches techniques et historiques.
  • "Bruno Pruvost":
  • extrait de journal.
  • extrait d’un cahier de campagne tenu par M. Raymond OPHOL (Archives municipales de Dunkerque).
  • "Yvon Perchoc":
  • Photo.



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